Extrait de « La vanité des aventures personnelles » de Michel REDAN

Arrivée à Saïgon, après la longue remontée du Me Kong, par une chaleur rendue accablante par l'humidité.

Découverte de la rue Catinat, la grand rue commerçante, lieu de rencontre de toute la population européenne avec ses terrasses de café : le Continental, fréquenté par les vieux saïgonnais, planteurs et commerçants fixés à demeure dans le pays, ainsi que par les journalistes venus glaner tous les potins ; le Majestic, plus moderne et luxueux, réservé aux touristes et aux militaires (dits de passage, puisqu'ils ne faisaient plus des séjours que de deux ou trois ans), ainsi qu'aux hommes d'affaires qui traitaient celles-ci autour d'une table de très bonne réputation. (D'ailleurs, fait très rare en Indochine à cette époque, le chef était un métropolitain) ; et enfin divers bars que je ne connaissais pas, eu égard à mon jeune âge, et qui s'animaient le soir jusque fort tard dans la nuit.

À quelques encablures, sur le fleuve, se trouvait la Pointe des Blagueurs, où se retrouvaient les familles car il y faisait plus frais qu'en ville. (…)

Je partageais ma vie citadine entre le lycée Chaceloup Laubat, où je me fis rapidement d'excellents camarades, et le club sportif, situé 100 mètres plus loin, où nous nous retrouvions tous les soirs à la sortie des cours pour piquer une tête dans la magnifique piscine de 33 mètres. Puis je rentrais chez moi à bicyclette, au Camp des Mares, pas loin de la plaine des tombeaux entre Cholon et Saïgon.

Mais toutes les vacances, tous les week-ends, je les consacrais en priorité à la forêt, à la chasse et au cheval en pleine nature. Ne pouvant déjà supporter ni le manège et ses contraintes ni les randonnées groupées, je partais seul sur ma petite jument grise « Intelligente », ou en compagnie d'un sous-officier, Chiarelli, qui m'apprit simultanément à bien monter à cheval et à chanter corse.