Extrait de « Demain sera un autre jour », de Sonja Van Dillewijn
(…) Mais il faut dire qu'à cette époque-là, nous n'avions réussi à survivre que grâce à une immense dette, de plus d'un an ! chez le boulanger et le laitier... Quant à moi, je me nourrissais de tout ce qu'il y avait dans le jardin, j'adorais déjà les fruits et les légumes. Et il n'était pas question de bonbons ou de sucreries ! Je n'étais pas grosse, j'étais même maigre comme un chat famélique.
Inscrite à l'école à l'âge de 4 ans, j'avais refusé d'y aller : c'est-à-dire que je partais tous les matins avec mon frère, comme si de rien n'était, puis j'allais dans une autre direction, passais la journée cachée ou à me promener dans la campagne, attendais que Jan sorte de l'école et rentrais avec lui. Là où ça a mal tourné, c'est à la période de Noël, quand la maîtresse est venue voir ma mère pour lui demander de m'envoyer à l'école car j'étais en âge d'être scolarisée ! Et ma mère, étonnée, de lui répondre : « Mais elle va à l'école tous les jours ! ». Quelle fessée j'ai reçu ce jour-là !
Je ne pouvais pas rester immobile. Ma mère aurait voulu que je sois toujours bien habillée, coiffée, comme une petite fille modèle. Mais 5 minutes à peine après être sortie, j'avais perdu mes nœuds dans les cheveux, j'étais hirsute, j'avais troué mes bas ou bien j'avais les socquettes dans les talons et j'avais déchiré ma jupe : j'étais un vrai garçon manqué, grimpant dans les arbres et franchissant les petits canaux ou les clôtures en barbelé. Je n'en faisais qu'à ma tête, bien qu'une raclée m'attendît à chaque fois à mon retour. Et puis je pleurais en cachette la nuit...
Avec Jan, nous partions pour quelques kilomètres, parfois même 10 ou 20 (je n'avais pas plus de 4 ans!) et nous nous amusions à franchir un canal près d'Amsterdam avec un long bâton. Combien de fois je n'ai pas réussi à dépasser le milieu et suis tombée au beau milieu de l'eau ! Bien sûr, une fessée suivait...
C'était toujours moi qui aidais ma mère, mon frère avait bien sûr quelques corvées (charbon, bois) mais ensuite il pouvait jouer tout le temps, alors que moi je devais coudre, faire le ménage, tenir la caisse de la boutique,... Selon maman, une fille devait toujours travailler, elle n'était pas faite pour s'amuser ni même être heureuse, alors qu'un garçon devait se faire les muscles. C'était même moi qui portais l'argent à la banque, il faut dire aussi que j'étais très dégourdie et ne me laissais pas impressionner.